mercredi, novembre 29, 2006
Parenthèse : Les Schtroumphs et le Cracoucass
Tout le monde l'a dit, c'était évident, ça se voyait comme un gros nez au milieu d'une petite figure, comme un vilain point noir sur une jolie peau : l'affaire VW a donné l'exemple ultime que la politique ne sert plus à rien, que ce qui conditionne nos vies et celles de nos enfants, c'est l'économie. C'est des graphiques et des simulations, celles des plus-values et des actionnaires où le cynisme a un fauteuil d'empereur et où la morale fait la vaisselle. Bien ou mal, peu importe, c'est comme ça, on ne va pas juger, d'autres l'ont déjà fait, il y en a qui aiment, d'autres pas, il y en a qui s'en fichent et d'autres qui ne savent pas... En tout cas, comme à chaque fois, la classe politique tout entière regarde le sol, un peu gênée de nous avoir fait croire que l'un incarnait l'espoir, l'autre le changement et le troisième l'avenir alors qu'ils n'étaient qu'un trio de Schtroumpfs bien démunis devant le Cracoucass.
Où va-t-on alors, coincé entre l'appétit des cost-killers, le spectre de la Bourse, l'aveuglement des fonds de pensions, les perversions de l'outsourcing, les secrets de l'offshoring et l'horreur des zones franches de non-droit ? Serait-ce la fin de l'Europe ? A voir les expressions des ex-travailleurs de Forest, battant le pavé sous la pluie, on ne peut que se dire que tout cela ressemble à une certaine forme de déclin.
Après tout, ce n'est que justice, il faut bien se dire que la roue tourne, que le tiers-monde d'hier a bien le droit à son pain blanc et que cela ne nous ferait peut-être pas de mal de goûter au pain noir. Mais... sommes-nous prêts ?
Des hordes de célibataires thaïlandais venant par charters entiers tenter l'aventure d'un sex-tour à Knokke-le-Zoute, de célèbres chanteuses indonésiennes venant acheter un charmant petit Wallon dont le papa ne pourrait pas s'occuper, nos enfants travaillant vingt heures par jour dans des ateliers de confection pour des chaussures qui seront portées par des jeunes ados chinois et... certains d'entre nous tentant l'impossible voyage vers ce monde de lointaine prospérité, passeurs, faux papiers, vivre à Shanghai sans papiers, accepter les petits boulots, l'exploitation encore, envoyer sa paye en Belgique pour y faire vivre sa famille, se faire arrêter, passer une interview en essayant de démontrer qu'il n'y a pas de grande différence entre un réfugié politique et un réfugié économique, se faire rapatrier, menottes aux mains, coussin sur la figure et entendre chaque jour aux informations le nombre de Belges retrouvés morts, jetés par-dessus bord, par un équipage effrayé avant un contrôle.
Je ne crois pas qu'on soit prêt. Je ne crois pas que quiconque soit fait pour vivre comme ça.
Mais il paraît qu'on s'habitue à tout.
Thomas Gunzig
in Le Soir (29/11/06)
Titre original : On efface tout et on recommence
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